Pour exister sur la toile, un média web est aujourd’hui réduit à suivre les tendances de son audience. L’optimisation du référencement de son contenu éditorial devient alors une nécessité, quitte à sacrifier la plume.
« Ton titre n’est pas assez Google friendly », « ta légende n’est pas visible », « ton sujet est passionnant, mais on s’en fout »… Bienvenue dans le journalisme web. Lui, c’est le front page editor, ou, dans le jargon, le spécialiste de l’édition, un casse-bonbons, pas tout à fait journaliste – d’ailleurs, il n’y connait sans doute que tchi – mais auquel vous devrez respect et robustesse. Oui, à l’ère du web 2.0, de la suprématie « googlienne » et du « clic », un nouveau pion, fatalement indispensable, est apparu dans plusieurs rédactions : le commis au référencement. La plume, ce n’est pas son dada, mais lui sait parler aux moteurs de recherche. Son job : faire en sorte que son média employeur soit mieux repéré par les Google, Yahoo!, Bing et autres search engines.
Et cela passe parfois par l’optimisation même de l’information. Oui, car à la différence du journalisme « papier », la presse web, elle, est esclave de son audience, de ses tendances, de ses goûts, de ses intérêts. Un peu nécessairement donc, un site web est amené à filtrer son contenu, quitte à zapper un massacre au Sud-Soudan – trop redondant – pour mettre en exergue les demi-finales de Coupe du monde de football, pour satisfaire son lectorat. Un lectorat dont il faut au préalable dessiner les tendances. Et il y a des outils pour cela : Google Adwords, en l’occurrence, est devenu, au détriment du dictionnaire des synonymes, le nouveau meilleur ami du journaliste web. Un outil en libre accès, fourni par Google, capable de dessiner toutes les propensions de recherches du moment.
Trop réducteur ?
Ne reste plus qu’à adapter son écriture. Pour ce, deux mots d’ordre : pertinence et mots-clés. Exemple avec un article dans lequel le titre fait mention de « l’Hexagone » : à éviter, car Google ne peut pas savoir si l’Hexagone désigne la France ou bien une forme géométrique. En effet, un moteur de recherche comprend que chaque titre dévoile ce qu’il y aura dans le contenu de l’article. Il faut donc que celui-ci soit significatif.
Enfin bon, tout cela est bien instructif, direz-vous, mais la course au SEO et au référencement ne dénature-t-elle pas finalement l’écriture journalistique ? Et le filtrage de l’information n’est-il pas quelque peu réducteur pour un média ? Mais bon sang, va-t-on bouffer du football et du Miley Cyrus ad vitam aeternam ? Et bien pas forcément : un bon journalisme n’est pas forcément exclusif à la SEO. Le SEO accroit la visibilité là où les gens regardent. Et puis cela détourne le journalisme d’une écriture élitiste pour soi-même et l’on revient à des articles écrits en fonction de ce que les gens recherchent vraiment. Un journal n’est, après tout, qu’un produit destiné à la vente…
Je suppose (j’espère?) que la fin de l’article relève du second degré, voire de l’antiphrase?! Ce serait en effet avoir une bien piètre opinion du métier de journaliste et de la presse en général. Cela dit, le journal comme simple produit destiné à la vente concerne hélas un trop grand nombre de publications, qu’elles soient sur la toile ou dans les kiosques.
Pour en revenir au sujet de l’article, moi qui ne suis que rédactrice web, et non journaliste, je dirais que oui en effet la SEO nuit gravement à l’écriture. Disons plutôt que les contraintes du web ont créé une nouvelle forme d’écriture, un peu tristounette il faut bien l’avouer. Comme vous le relevez avec l’exemple du terme « hexagone », les moteurs de recherche n’ont aucune subtilité linguistique, il faut dès lors oublier les jeux de mots, les doubles sens et allusions, bref tout ce qui fait le sel de la langue. L’écriture à destination du web est très formatée et doit effectivement flatter Google plus que l’intelligence du lecteur, c’est ainsi, on peut le déplorer mais il ne faut pas oublier non plus qu’il n’y a pas que la presse en ligne et que la presse écrite reste un média de plus grande qualité justement pour ce qu’elle a toujours apporté:une information réelle et moins formatée, un souci de la réalité plutôt que de l’audience, une ligne éditoriale marquée, des engagements de ses journalistes, et j’en passe.
Bonjour,
Je ne pense pas que le SEO soit le « meilleur » ennemi du journalisme. Loin de là. Il est vrai que Google a imposé ses règles dans un but d’obtenir une meilleur optimisation des contenus. Pourquoi ? Tout simplement parce que Google est un algorithme, un robot, qui a besoin de règles bien définies. Et en effet, de nouvelles règles d’écritures ont été mises en places. Il s’agit d’une avancée pour le journalisme. Comme tout le monde le sait, la presse papier subit un déclin, elle se tourne d’ailleurs vers le web. Alors pourquoi en être allergique ? Ok c’est Google qui met ses règles mais si ça n’avait pas été Google ça aurait été la même chose… De plus, sur l’internet, il est impossible d’écrire un texte de 6000 signes par exemple comme dans la presse papier…
« Ce serait en effet avoir une bien piètre opinion du métier de journaliste et de la presse en général. »
Les journalistes et la presse en général ont bien bossé pour gagner l’image qu’ils ont aujourd’hui. Qui sème le vent…
Bonjour,
Il y a quelques inexactitudes dans votre article. Le (et non la) SEO n’est plus la bonne vieille technique de bourrin qui consiste à blinder le texte de mots-clefs. D’ailleurs, la nouvelle tendance est à la détection des phrases « naturelles », c’est dire si les moteurs changent. De plus, Google est tout à fait capable d’associer France et hexagone. La diversification lexicale est d’ailleurs généralement payante.
Je rédige le dictionnaire du web depuis 6 ans, et je n’ai jamais écrit pour les moteurs. Pourtant, le site se place parfaitement sur des requêtes ultra concurentielles (par exemple « site vitrine »).
Vos spécialistes SEO devraient vous dire que c’est surtout une question de temps, de qualité et de régularité. Pour l’instantané, il y a les médias sociaux.